Je suis dans une colère douloureuse

crédit photo : Anne Lardeux

Je suis dans une colère douloureuse, douloureuse et accablante parce qu’informe, tordue, cherchant ses prises.

Cette colère est politique.

Je la reconnais, je la sens sourdre chez d’autres, au détour de nos échanges contraints, amis, proches, confinés à distance.

Mais, tels que nous sommes actuellement, saisis entre police et médecins, entre révolution et captivité, coincés par la peur de rendre malade (parfois mortellement) et celle de l’être peut-être, il est difficile de raccrocher notre colère à une force politique qui pourrait opérer, apparaitre, faire advenir à elle d’autres voix.

Je trouve dégueulasses nos gouvernants, leur messe quotidienne. Je n’en peux plus.

Je trouve insupportable ces bons pères de famille qui calculent leur capital sur le dos de ce qui serait notre soumission. Je trouve ça révoltant qu’ils se donnent les airs de gouverner les vies pour notre bien quand c’est NOUS qui leur sauvons la peau!

C’est notre respect du confinement et la courbe aplatie, ratatinée de nos vies, qui permettent d’éviter la catastrophe, de limiter un peu la propagation et faire qu’on ne pellette pas les morts dans des fosses communes (pas vraiment encore).

Cette catastrophe, on pédale fort pour l’éviter, humains de n’importe quel âge et animaux de tout pelage. Cette catastrophe, par contre, eux n’ont de cesse de l’alimenter.

La catastrophe, c’est la pauvreté de leur vision, de leur pensée, de leurs politiques de marde…C’est de nous tenir aujourd’hui par la voix de la santé publique et de nous mater par l’ombre des polices, comme si ça se jouait entièrement entre les pinces serrées de cet étau hors de toute histoire.

On le sait bien que ça a commencé avant, la catastrophe : c’est d’enfermer des vieux dans des CHSLD, des croisières plus ou moins luxuriantes, toujours séparées, résidences toujours séparées et sous payer le monde pour les soigner; c’est de parquer les enfants dans des écoles mortes (ah et pourquoi pas dès 4 ans, ben oui go!) et de laisser aux autres, à tous les autres, le seul horizon du TRAVAIL, mais un travail toujours tenu de se justifier, de ne devoir rien coûter…

C’est de découper la vie en catégories débilitantes où chacun devrait trouver sa place comme on se park au Maxi, bin contents. (alors pensez donc «un système public de santé équitable et universel » là-dedans ?? vieille litanie sans odeur pour les gouvernants).

Et pour permettre tout ça qui se mord la queue? Parmi 1000 recettes faciles : détruire des écologies qui permettraient une négociation avec les virus, qui ne soit pas coercitive; manger veaux, vaches, cochons, poulets produits comme des zombies, par et pour des zombies sans trouver ça grave et dégénéré… La chauve-souris a bon dos…. Elle est une manière acceptable de désigner à nouveau frais un péril jaune, de bien se resserrer sur un entre-nous confiné, tout le monde remis à sa place, les lignes sont bien gardées, à l’eau les désespéré.es.

C’est si triste, franchement c’est si triste la vie par eux…. et c’est terrible aussi, plus que le virus même.

Ça ne veut pas dire que je n’ai pas peur de ce virus dont le nom même nous échappe.

J’en ai peur : ici, il provoque une réaction anodine, presque imperceptible; là, ton système immunitaire s’emballe et finit par te tuer en voulant lui échapper. Ça m’inquiète, personne ne peut présumer du système de quelqu’un quand il le croise à l’épicerie, dans le bus, et… Et puis, le mal s’attaque au souffle même, alors c’est assez pour me terrifier.

Mais je ne veux pas choisir entre le politique et la protection.

Je ne veux pas que ma peur m’empêche de formuler ma colère. Ma colère politique.

Parce que le virus advient aussi du politique, de cette politique généralisée du désastre.

Je crois que s’en protéger implique tout en même temps de croire en son existence, à son potentiel révolutionnaire, que de refuser – masque sur le nez- les politiques de cette vie dévastée que nous imposent les pépères de tous poils, Legault et Harruda main dans la main.

Je ne veux pas un retour à la vie normale qui favorise d’une part leur «économie» – des écoles ouvertes pour permettre le business as usual des condos et des pipelines – et interdit toute autre forme de déploiement, avec des tickettes à 1600 piasses pour la moindre tentative de se parler en dehors des maisons. Ce serait la mort ça.

Je ne veux pas de cette école si mes enfants n’ont pas la possibilité de chercher un peu à chiller dehors avec leurs amis, en adoptant les précautions que le virus impose.

Je ne veux pas penser aux «ainés» comme à une catégorie homogène et indifférenciée d’humains enfermés dans des mouroirs interdits.

Je ne veux pas relancer l’économie, pas comme ça, pas dans ces termes contaminés.

Dans ces conditions, je serai contre l’école et contre toute, avec un masque et me lavant 1000 fois les mains.

Je voudrais que nous puissions réfléchir collectivement à un salaire universel, à une suspension des loyers, à des communautés moins séparées et qu’on assoit les banques pour qu’elles soient tenues de contribuer à la possibilité de ces formes de vie.

En tout cas, je veux tout sauf cette vie misérable que Legault et cie nous font, sous couvert de nous la sauver.

Anne Lardeux

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