Richard Bergeron de retour au comité exécutif

Un peu plus de quatre ans après s’être fait montrer la porte de sortie du comité exécutif par l’ex-maire Gérald Tremblay, Richard Bergeron y retourne. Il a confirmé la rumeur hier après-midi lors d’un point de presse en compagnie du maire Denis Coderre et du président du comité exécutif Pierre Desrochers, lequel n’a fait qu’acte de présence et n’a pas prononcé une syllabe durant toute la demi-heure qu’a duré l’entretien avec les médias.

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Photo: Pierre-Luc Daoust

Une personne d’une grande intégrité, «un penseur qui amène de la profondeur à Montréal»: Denis Coderre n’a pas tari d’éloges pour celui qui était pourtant jusqu’à la fin octobre son adversaire numéro un au conseil municipal de la métropole. «On lui a rendu hommage, avec raison, pour ses dix années au sein de sa formation politique», ajoute-t-il en parlant des événements du conseil général de Projet Montréal du 8 novembre dernier. Insistant sur l’importance de regarder les intérêts supérieurs de Montréal et de rassembler les forces vives pour ramener la ville sur les rails, M. Coderre a mentionné avoir déjà une bonne équipe exécutive bien équilibrée qui a une approche complémentaire. Cependant, «notre rôle n’est pas seulement d’administrer notre ville mais de s’assurer de mettre tous nos talents en commun pour faire une différence. Et je crois que Richard fera cette différence», a-t-il poursuivi.

La loi actuelle ne permet pas au maire de Montréal de nommer plus de onze personnes à la table des décisions. Une limitation que M. Coderre est confiant de voir abolie rapidement grâce au projet de loi 23, lequel se veut une modification à la Charte de la Ville de Montréal. D’ici là, M. Bergeron participera au comité mais son vote ne comptera pas.

Le fondateur de Projet Montréal parle de quatre éléments qui l’ont poussé à demander lui-même, il y a environ un mois, à rejoindre l’équipe exécutive: la volonté du premier magistrat de la ville à rassembler les talents, qu’il qualifie d’incontestable; la capacité de M. Coderre à obtenir du gouvernement québécois ce qu’il juge nécessaire pour la ville, citant en exemple l’inspecteur général, le recouvrement de l’autoroute Ville-Marie et le projet de loi 23; le projet de système léger sur rail (SLR), endossé par M. Coderre; et finalement les projets pour le centre-ville. M. Bergeron mentionne d’ailleurs que son premier mandat sera de travailler à raccourcir les délais entourant la réalisation du SLR notamment sur le nouveau pont Champlain. Il se dit confiant que son expérience sera «agréable et productive.»

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Photo: Robin Edgar

Contrairement à son séjour précédent au comité exécutif, Richard Bergeron se voit cette fois imposer l’indépendance partisane par le maire. Une condition dont sont pourtant épargné(e)s les membres de la Coalition Montréal qui font partie du comité. L’ex-chef et fondateur de Projet Montréal n’y voit pas de problème, expliquant que ce parti est l’opposition officielle. Rester membre de son parti impliquerait, selon lui, de ne pas se présenter aux réunions du caucus partisan. Devenir indépendant laisse également les coudées franches à Projet Montréal pour faire son travail d’opposition, ajoute-t-il.

Questionné sur l’échec de sa participation au comité exécutif sous Gérald Tremblay et sur l’hypothèse que soient à nouveau rencontrés des conflits entre lui et le reste de l’administration, M. Bergeron insiste sur sa croyance en la recherche du consensus. Il estime que son expérience à la tête d’un parti l’a rendu habile pour trouver le dénominateur commun entre diverses positions. Confiant de ne pas devoir sortir de la salle de réunion du comité lors de désaccords, il attribue la rupture entre lui et M. Tremblay au moment où ce dernier a cessé de donner suite à son engagement vis-à-vis du nouvel échangeur Turcot, projet qui était le plus cher aux yeux de M. Bergeron à l’époque. Selon lui, n’eut été de ce revirement de l’ex-ministre libéral devenu maire en 2002, l’harmonie régnait. Le maire, qui continue d’affirmer que le vote au conseil exécutif est toujours libre, se glissa ensuite au micro pour ajouter que des débats s’y tiennent mais qu’à leur terme, la décision qui se prend est toujours unanime.

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Photo: Pierre-Luc Daoust

Richard Bergeron a-t-il senti qu’on s’apprêtait chez Projet Montréal à lui retirer son siège de chef, comme l’a suggéré Jeanne Corriveau dans Le Devoir lundi? Non. Il croit que le malaise vient du silence qu’il a dû conserver durant tout ce mois après sa rencontre avec Denis Coderre, un délai pendant lequel les secrets finissent toujours par se savoir. Mais il soutient que tout fut clarifié quand il a enfin pu en parler au caucus de son désormais ancien parti, puis à son conseil de direction.

Luc Ferrandez réagit

Quelques minutes après le point de presse de MM. Bergeron et Coderre, le chef intérimaire de Projet Montréal a réagi devant les médias à ce qui venait d’être annoncé. Luc Ferrandez n’hésite pas à avouer ne pas être surpris du tout par le passage de Richard Bergeron de l’autre côté de la salle du conseil. Le coloré maire de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal parle de son ancien supérieur comme d’une personne prête à «avaler bien des couleuvres» pour atteindre ses objectifs et favoriser la réussite de ses projets. Le nouveau chemin emprunté par M. Bergeron pour les faire progresser ne l’étonne donc pas. Toutefois, les fleurs lancées moins d’une heure plus tôt à l’endroit du travail fait par l’administration municipale depuis un an le dérangent. «Il poussait trop loin, il n’avait pas besoin de faire ça», soutient M. Ferrandez.

Il confirme par la même occasion les dires de M. Bergeron: celui-ci n’a pas été poussé à quitter son parti. Richard Bergeron savait que ses ambitions impliquaient son départ, que «ça tombait sous le sens». Donc malgré la surprise, la tristesse et la colère passagère, la démission de l’ancien chef fut bien accueillie, selon M. Ferrandez. Le parti est maintenant serein avec ce changement. Il trouve néanmoins que le maire est allé trop loin en exigeant cette démission.

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Photo: Pierre-Luc Daoust

Le chef intérimaire souhaite bonne chance à M. Bergeron. Il ne croit pas du tout que Denis Coderre soit ouvert à l’opposition et que l’accession de M. Bergeron au comité exécutif en témoigne. «M. Coderre ne tolère aucune opposition. Lorsque des gens rejoignent son comité, il les musèle», affirme catégoriquement M. Ferrandez. C’est pourquoi il estime qu’il faudra bien du courage à M. Bergeron pour ravaler ses positions dans les nombreux dossiers où les différends entre le maire et le désormais ex-adversaire de celui-ci sont pourtant connus. Il cite en exemple le prolongement de l’autoroute 19 entre Henri-Bourassa et l’autoroute 40 et la connexion des deux bouts du boulevard Cavendish.

Croit-il que Richard Bergeron parviendra à faire avancer ses projets chers, que partagent Projet Montréal? «J’espère pour Montréal que la lune de miel va durer.» Mais il en doute. Et en cas d’expulsion, comme il y a quatre ans, le fondateur de Projet Montréal aura-t-il encore une place au sein de la formation? Oui, selon M. Ferrandez. «Mais est-ce que lui voudra revenir, je ne sais pas.»

Luc Ferrandez exprime par ailleurs quelques réserves qu’il a sur le travail que faisait M. Bergeron et parle de différences à venir, différences dont les bases ont été jetées lors du dernier conseil général du parti. Il mentionne que M. Bergeron, tellement attaché à certains projets qui parvenaient à faire leur bout de chemin dans le cercle du maire, avait baissé la garde sur plein d’autres enjeux. Un problème qu’il jugeait agaçant. De plus, le maire du Plateau souligne que si l’ex-chef avait des qualités fantastiques de leader, il n’était pas intéressé par certains domaines comme le développement économique. Beaucoup de propositions sont maintenant à venir sur le sujet, affirme-t-il. Enfin, si M. Bergeron avait, contrairement à son parti, quelques tendances à la centralisation des pouvoirs, Projet Montréal ira désormais de l’avant avec un discours clair en faveur de la décentralisation. M. Ferrandez insiste d’ailleurs pour parler des projets qu’a mis de l’avant l’événement Je vois Montréal comme de projets qui relèveront des arrondissements et non de la ville centre, pour la plupart.

Le chef de l’opposition officielle profite des circonstances pour servir une ferme mise en garde à M. Bergeron. Si celui-ci se met à défendre la réforme des arrondissement ou le plan triennal d’immobilisation que souhaite adopter M. Coderre, «il va m’avoir dans son chemin.»

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