Le sixième pouvoir – Le SPVM s’attaque à la liberté de presse des médias indépendants

Un sixième pouvoir fait son apparition dans les rues et sur les places publiques.  Sa soif de vérité et de justice l’amène à se réapproprier, autant dans ses méthodes que dans l’esprit, la tradition journalistique et ses valeurs.  Le sort que leur réserve ici le Service de Police de la Ville de Montréal ne surprend guère : ses artisan.nes inquiètent l’ordre et ses pouvoirs.  Depuis son émergence en 2011, 99%média, comme plusieurs autres médias alternatifs, indépendants et étudiants, font l’objet d’une répression abusive et systématique.  Cet état de chose ne saurait être toléré plus longtemps.[su_panel background=”#0a0909″ color=”#ffffff”]

[su_youtube_advanced url=”https://www.youtube.com/embed/kPQtOfi4TRU” width=”560″ height=”540″ controls=”yes” autohide=”yes” showinfo=”no” rel=”no” modestbranding=”yes”]https://youtu.be/N8TsARvJ0I4[/su_youtube_advanced]Le #6epouvoir, le film de 99%Média sur les dérives envers la liberté de presse des médias indépendants. Présenté en avant-première dans le cadre de la cinquième édition de Courts-critiques au Centre PHI en collaboration avec Prends ça court . Production 99%Média, 2015. Click on CC for english subtitles [/su_panel]

Le 15 mars 2014, lors de la manifestation annuelle contre la brutalité policière organisée par le Collectif opposé à la brutalité policière (COBP), Jessica Attar rejoint le point de rassemblement pour couvrir l’événement.  Elle est journaliste pour le compte de 99%média depuis plusieurs années et s’est notamment illustrée pour sa couverture du Printemps érable, ainsi que pour sa documentation des crimes du régime de Bashar El-Assad contre la population civile en Syrie.  Un court-métrage, consacré précisément à sa couverture du conflit syrien, fait d’ailleurs présentement le tour du monde, récoltant honneurs et prix, festival après festival.  Malheureusement, ce jour-là, on ne laisse pas Jessica faire son travail de journaliste indépendante.

Les membres des relations médias du SPVM lui bloquent rapidement l’accès, sans explication valable, le garantissant pourtant à tous les autres, après avoir bouclé le périmètre et procédé à une souricière.  Le segment qu’elle ramène de ce triage sur le volet des journalistes est troublant:

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Alors qu’on s’apprête à repousser Jessica, on y voit défiler un à un les membres des médias traditionnels.

Ce genre de scènes est récurrent depuis plusieurs années à Montréal, où les médias alternatifs, indépendants et étudiants subissent une répression abusive et systématique.  On peut légitimement se demander ce qui laisse croire au SPVM qu’il peut s’arroger ainsi le droit de séparer le bon grain de l’ivraie.  Qui sont ces journalistes suffisamment respectables pour être toléré.es?  Qu’ont-illes en commun? Sur quelle base le SPVM pourrait-il d’ailleurs l’établir?

Mais on peut également se questionner sur le comportement de ces respecté.es journalistes qui passent, le pas rapide, au triage et que le traitement différencié réservé à Jessica semble laisser complètement indifférent.es.  Qu’est-ce qui détermine les limites de leur solidarité?

Un sixième pouvoir

Les racines occidentales du journalisme, tel que nous le décrivons aujourd’hui, peuvent au moins être retracées jusqu’à l’apparition des premières presses au 17ème siècle, facilitant la production de masse de matériel imprimé.  Cette révolution technologique a permis, entre autres choses, la diffusion de voix alternatives à celles des élites aristocratiques et religieuses.

Les pratiques journalistiques furent d’abord le fruit d’activistes, prêt.es à remettre les dogmes et les traditions en cause, ne serait-ce qu’en les soumettant au débat, ainsi qu’à ouvrir par le fait même un espace pour la discussion publique.  On parle souvent de cette révolution comme celle de la naissance d’un quatrième pouvoir, à côté du clergé, de la noblesse et du peuple.


Plusieurs intellectuel.les
ne manquent pas de dresser des parallèles avec la révolution représentée par l’apparition de  l’Internet à la fin du 20ème siècle, décrivant les auteur.es, blogueur.ses et commentateurs.trices s’appropriant les pouvoirs de la publication en ligne et des médias sociaux comme les acteurs d’un cinquième pouvoir émergeant.

Ni journalistes professionnels ni simple spectateurs, leur entrée en scène bouscula profondément les pouvoirs en place.


99%média, comme plusieurs médias indépendants actifs à travers le monde, a vu le jour dans la foulée des printemps arabes et du mouvement des Indigné.es en Espagne, ainsi que du mouvement Occupy.  Nés de la nécessité de couvrir ces indignations de plus près, jaloux de leur indépendance et s’appropriant également les instruments de production et de diffusion en ligne, ces nouveaux médias se distinguent néanmoins par leur volonté de s’inscrire, à la fois dans la méthode et l’esprit, en continuité avec la tradition journalistique.  

La prolifération rapide de ces nouveaux organes de presse à travers le monde sont des manifestations du développement d’un sixième pouvoir au sein de nos sociétés.  

Liberté d’expression et liberté de presse
99%média est un média indépendant pour la justice sociale.  Ses artisan.nes se conçoivent comme des journalistes et leur travail depuis des années témoigne largement de cet engagement. Il n’y a qu’à jeter un coup d’oeil à leur médiagraphie pour s’en convaincre.

Au Québec, il n’existe pas de concensus sur la définition du métier de journaliste. Il faudrait cependant faire preuve d’une grande mauvaise foi pour considérer que le travail des membres de 99%média et d’autres médias alternatifs n’est pas du travail journalistique s’inscrivant dans la tradition de ce rôle si important pour la liberté d’expression et la liberté de presse. Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ), en 2014, finit par reconnaître que les Alter Citoyens, GAPPA et 99%média sont des médias «non traditionnels» qui peuvent bénéficier au même titre que les autres médias de l’exemption à la loi électorale.

Le SPVM, lui, s’entête à ne pas respecter le droit à la liberté de presse des médias indépendants et ce, de multiples manières: que ce soit en leur refusant un accès qui est autorisé aux médias de masse; que ce soit en se moquant de leur appartenance à un média ou en dénigrant ce dernier; que ce soit par des menaces, souvent avérées, de contraventions, d’arrestations ou autres; que ce soit par la contrainte ou la brutalité physique; bref, l’attitude du SPVM à l’égard des journalistes indépendant.es en est une de discrimination.

Même la Canadian Journalists for Freedom of Expression (CJFE) exprime ses inquiétudes face à cet état de fait dans une lettre ouverte adressée au SPVM:

“This evidence highlights what appears to be an ongoing pattern of SPVM officers targeting journalists during their coverage of protests. Harassing and restricting journalists at these events is a clear violation of their rights to freedom of expression and assembly, rights that you have previously expressed your support for. It is essential that journalists are able to safely and freely cover these events, as it is their duty to report on issues of public interest and hold law enforcement accountable for their actions.”
– CJFE

Bien entendu, le SPVM n’est pas tenu d’apprécier le travail de 99%média et des autres médias indépendants. Mais en aucun temps il ne peut ainsi s’arroger le droit de juger qui est un média respectable à ses yeux et qui ne l’est pas. Les membres de 99%média, un organisme à but non lucratif enregistré aux niveaux fédéral et provincial, sont facilement identifiables en contexte de manifestation grâce à leur carte de presse unique. L’intimidation, la discrimination et les agressions à leur endroit doivent cesser immédiatement pour qu’une réelle liberté de presse et d’expression soit assurée.


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DOSSIER DE PREUVES

Le SPVM effectue une discrimination par rapport aux médias de masse en refusant l’accès à des lieux ou à des événements pertinents à l’information publique:

8 septembre 2015
Rick Cognyl Fournier, diffuseur en direct pour 99%média, se voit contraint par le SPVM de rejoindre les manifestant.es dans la souricière, malgré le fait qu’il souligne être un média.

Il reçoit une contravention de 640$ en vertu du règlement P-6.

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28 août 2015
Rick Cognyl Fournier, diffuseur en direct à 99%média se voit refuser l’accès à l’hôtel de ville de Montréal lors de la cérémonie d’assermentation du nouveau directeur du SPVM, Philippe Pichet. Lorsque Rick Cognyl Fournier présente sa carte de presse au sergent Laurent Gingras, ce dernier affirme «qu’ils ont beaucoup de difficulté avec les journalistes de 99%média durant les manifestations». On lui interdit donc l’accès à la cérémonie sous prétexte qu’il a été pris deux fois en souricière par le passé – deux occasions au cours desquelles, ironiquement, le SPVM a aussi fait preuve de discrimination en remettant au diffuseur de 99%média des contraventions malgré le fait qu’il était identifié comme journaliste.

Pourtant, l’hôtel de ville ne tient pas de liste officielle des médias accrédités et sa politique par défaut est donc de garantir l’accès à tout le médias, comme l’indique Mme Labrie, secrétaire administrative, dans un échange courriel avec 99%média:



25 août 2015
Diffuseur en direct, Rick Cognyl Fournier se voit refuser par le SPVM le droit de filmer un événement de la campagne électorale du parti conservateur de Stephen Harper à Pointe-Claire parce qu’il est journaliste pour 99%média.

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1er mai 2015
L’inspecteur chef du SPVM Alain Bourdages interdit à Simon Lussier, diffuseur en direct à 99%média, de couvrir la fin de la manifestation comme les autres médias près du centre Bell lors d’un match des séries éliminatoires.

«L’inspecteur chef Alain Bourdages est passé et a répété la demande de circuler. Nous avons répété que nous faisons partie d’un média. Simon a montré sa carte de presse. Bourdages a reconnu le nom de 99%Média et a dit qu’il «sait qui [nous sommes]». Il a poursuivi son chemin en continuant à dire «Circulez, circulez!», mais nous avons pu rester sur place.» – Julie Delisle, journaliste à 99%média

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3 avril 2015
Simon Lussier, diffuseur en direct à 99%média, se voit refuser un accès auquel ont droit les médias de masse. Des officiers du SPVM refusent de le reconnaître en tant que média.

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15 mars 2014
Des officiers du SPVM refusent le même accès qu’ont les autres médias à Jessica Attar, photojournaliste, spécifiquement parce qu’elle est membre de 99%média.

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Le SPVM fait preuve d’une attitude discriminatoire en ridiculisant et en intimidant:

24 août 2015
Mathieu d’Amours, journaliste pour The Link et 99%média, se fait empoigner par un agent du SPVM qui s’empare de son téléphone, ferme sa diffusion en direct et lui remet une contravention en vertu de l’article 500.1 du code de la sécurité routière.
Témoignage: http://thelinknewspaper.ca/article/police-violates-student-journalists-rights
Photo de l’événement:

22 mai 2015
L’inspecteur chef Alain Bourdages affirme qu’il n’est «pas sûr», au sujet des reportages de 99%média.

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3 mai 2015
Un agent du SPVM prend la photo d’Isabelle Lévesque, photojournaliste à 99%média, alors que son collègue justifie ce geste ainsi: «on le fait pour la même raison que vous le faites, pour vous watcher». Questionné à ce propos par Isabelle, le policier précise qu’il est «autant un média» qu’elle.

10 avril 2015
Journaliste à CUTV, Cori Marshall se fait diriger dans une souricière par les agents du SPVM et reçoit une contravention de 640$:

”After the police began to break up the demonstration, the group was heading east on Milton as we arrived at the corner of St. Laurent a group of riot police arrived and ordered us to turn and head in the other direction, to which I objected. Once we had turned we were now blocked in the other direction by more police and kettled. I felt as though we were somewhat misled into the kettle so this is when I began to repeatedly question logic of the officer that had ordered the group in the other direction. I was the second to last out of the kettle and once again fined $640.00.” – CUTV journalist Cori Marshall

Voir à partir de 1m30:

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9 avril 2015
Cori Marshall, journaliste à CUTV, reçoit des menaces d’être arrêté au criminel ainsi qu’une contravention de 640$:

“As I was led out of the kettle I informed the police that I was media and member of CUTV. To which one of the officers responded that he had never heard of it before. I preceded to remind the two officers of the contents of section 2.b of the Charter of Rights and Freedoms. When I was released they informed me that if I were to “regroup” or other wise be found within the perimeter the would arrest and charge me “criminally”, I was not informed what that charge would be. I was fined $640.00.”  – Cori Marshall, journaliste à CUTV

Geneviève Côté, journaliste à 99%média et GAPPA, est elle aussi prise en souricière et reçoit une contravention. Lorsqu’elle indique qu’elle est présente à titre de média, le policier qui rédige son constat d’infraction affirme que le média pour lequel elle travaille pourra le payer.

15 mars 2015
Cori Marshall, jouraliste à CUTV, se fait intimider deux fois par des policiers du SPVM. Durant le premier incident, lui et d’autres journalistes sont pris dans la souricière:

“The SPVM began to slowly release the media who were being detained. I was released approximately twenty minutes after being cornered. My information was taken and I was not ticketed, but upon my release I was informed that should I be found inside the perimeter, (filming, doing what I was there to do), I would be arrested. For what I would be arrested for was never disclosed.” – Cori Marshall, journaliste à CUTV

Puis, il reçoit de nouveau des menaces d’arrestations et se fait escorter dans le métro:

“I eventually found myself near Sherbrooke metro where there was a scene taking place with a group of SPVM officers and one individual. The police were intent on moving everyone they could out of the area, so I placed myself some distance behind the altercation and filmed. I was told continually to back up, and a member of media relations intervened stating that I was warned that if I found again I would be arrested. At this point I complied, I was still escorted into the metro by a handful of riot cops” – Cori Marshall, journaliste à CUTV

Le SPVM agresse physiquement des journalistes indépendant.es:

23 mai 2015
Photojournaliste au McGill Daily, Shane Murphy a été brutalement arrêté, ridiculisé, menacé et blessé par des agents du SPVM. Le policier Pierre Gervais (#1314) l’a saisi par sa carte de média autour du cou en l’étranglant. Shane Murphy s’est par la suite blessé au genoux alors qu’il était poussé au sol. L’agen Doheney (#3082) l’a aussi menacé en affirmant qu’il s’assurerait «personnellement» de lui donner une contravention «incontestable» et qu’il serait arrêté s’il était vu dans une autre manifestation.

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Geneviève Côté, de GAPPA et 99%média, est projetée au sol par un policier anti-émeute peu après que sa caméra ait évité de justesse un coup de bouclier.

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23 avril 2015
Rick Cognyl Fournier de 99%média est blessé à la jambe par un policier à vélo.
Vers 51 minutes:

[su_youtube_advanced url=”https://www.youtube.com/watch?v=v6KR6BCHRtU&feature=youtu.be&t=48m” width=”560″ height=”540″ controls=”yes” autohide=”yes” showinfo=”no” rel=”no” modestbranding=”yes”]https://www.youtube.com/watch?v=v6KR6BCHRtU&feature=youtu.be&t=48m[/su_youtube_advanced]

Photo de la blessure et témoignage:

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