«Santé au pluriel : conjuguer public et privé» : un colloque pour la privatisation

Bien qu’on parle d’octroi de contrats publics et de privatisation, on est loin des images spectaculaires de la Commission Charbonneau. Ici, pas d’entrepreneurs se promenant avec des liasses de billets dans les chaussettes. Pas non plus d’individus à la mine patibulaire pour encourager les soumissionnaires à entrer en collusion. Ce sont des gens polis, sympathiques et visiblement bien intentionnés. Si on se reconnait une mauvaise conscience, elle est neutralisée de façon humoristique par des images comme suit : « En passant du public au privé, j’avais un peu l’impression de passer du côté sombre de la Force. »

Ce colloque du 4 février est le fruit d’une collaboration entre le Conseil des entreprises privées en santé et mieux-être (CEPSEM), le Comité Santé de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) et l’équipe de recherche de Marie-Hélène Jobin du Pôle santé HEC. En voici les interventions marquantes :

Pierre Lafleur, sous-ministre adjoint au ministère de la Santé et des Services Sociaux, présente la restructuration du réseau opérée par la loi 10, la réaffectation des médecins opérée par la loi 20 et le passage amorcé du financement forfaitaire par établissement vers le financement à l’activité, soit tous les morceaux d’une politique globale qui seront intégrés dans la refonte à venir de la Loi sur les Services de Santé et des Services Sociaux.

 

La privatisation : cause ou remède?
Les frais directs de soins de santé des ménages représentent de 2,7% à 4% du revenu.

Ensuite Jacques Nantel, professeur des HEC et expert dans les comportements de consommation des ménages, fait la démonstration que les ménages québécois dépensent systématiquement entre 2,7% (quintile supérieur) et 4% (quintile inférieur) de leurs revenus en services de santé privés. C’est la preuve, selon lui, d’un désaveu du système public qui s’exprime par une désertion généralisée. Rappelons qu’il existe une autre explication, soit la promotion active des services privés : tous les québécois connaissent quelqu’un dans leur entourage à qui un médecin a offert des services privés qui sont disponibles sans frais au public.

Marie-Hélène Jobin présente les résultats d’entrevues avec les acteurs de cinq partenariats public-privé. Sans surprise, les cultures différentes des deux milieux amènent leur lot de malentendus et de frustrations. Alors que le privé est dans une logique de développement de marchés et de partenariats d’affaires, le public ne peut pas assumer de risques financiers ni encourager de relations à long terme entre fonctionnaires et entrepreneurs.

La période de questions vaut la peine d’être entendue dans son intégralité : elle rend bien compte des différentes perspectives.


J’en retiens surtout l’injustice vécue par les coopératives de santé : après des années de tractations, le réseau des coopératives venait tout juste de gagner la confiance de l’Association Québécoise des Établissements de Santé et de Services Sociaux (AQESSS) lorsque la réforme structurelle de 2015 a fait disparaître cette dernière. Cet apport inestimable du communautaire va rester dans l’obscurité et son épuisement possible risque de faire augmenter encore plus la privatisation et donc les dépenses privées des ménages.

About François Genest 18 Articles
Mathématicien. Blogueur. Observateur des mouvements sociaux. courriel : francois . genest @ gmail . com