Station Vendôme: une arrestation suscite de gros doutes

Vendredi en début de soirée, station de métro Vendôme. Devant le flot de voyageurs et de voyageuses qui remontent d’un quai se déroule une arrestation musclée: trois inspecteurs et une inspectrice contre un homme seul. Filmée, l’arrestation fait maintenant son chemin sur le web et engendre plusieurs interrogations.

L’extrait vidéo, comme la plupart dans son genre, débute alors que la procédure d’arrestation est déjà entamée. Il ne montre donc rien de ce qui est arrivé avant. Il sort toutefois de l’ordinaire par les plaintes exprimées par l’homme aux prises avec les troupes de la Société de transport de Montréal (STM): il n’aurait rien fait d’autres que de déguster un sandwich, exprime-t-il tout en qualifiant ses adversaires de sauvages. À quelques pas de la mêlée, un musicien, sa guitare à la main, tente de calmer le jeu, essuyant la colère des agents et agentes.

Voyez ledit extrait vidéo, filmé par M. Alex Tyrrell, chef du Parti Vert du Québec, qui passait par là.

Nicolas Megelas, connu sous son nom d’artiste Alpha D, est familier avec l’art musical dans le métro. Depuis la fin des rénovations de la station Vendôme, il n’y a plus d’emplacement autorisé pour y jouer de la musique. En entrevue avec 99%Média, M. Megelas avoue avoir tout de même pris le risque de s’y installer. Selon lui, Samuel Faille, l’homme qui sera plus tard arrêté, vint le rejoindre et s’assied à côté de lui pour manger son sandwich, tout en manifestant au musicien son appréciation de ce qui est joué.

C’est la présence du musicien dans cet espace non-désigné qui entrainera la venue de deux premiers inspecteurs, explique-t-il. Alors que ceux-ci lui ordonnent de cesser de jouer par un agressif signe de temps mort avec les mains, M. Megelas feint de ne pas comprendre, puis les deux parties répèteront cette séquence. Une désobéissance que regrette après coup M. Megelas. C’est là que M. Faille s’interpose, invitant les agents à tolérer l’artiste. Contacté par 99%Média, celui qui aura tenté de se faire médiateur mentionne que les deux intervenants de la STM usaient d’un vocabulaire inadéquat envers le musicien, notamment en lui disant «Get the fuck out» ou «T’as pas d’affaire à être là». «Ils étaient un peu bête», remarque M. Faille. Celui-ci, qui est ferblantier de métier, explique avoir ensuite ajouté une remarque à l’effet que les deux agents s’en prennent au peuple alors qu’ils luttent présentement contre la réforme de leur régime de retraite. “Ils ne l’ont pas pris”, poursuit-il. Son invitation à la tolérance recevra alors une ferme et agressive fin de non-recevoir, accompagnée par un avis verbal à l’effet qu’il était désormais l’objet d’une contravention pour insalubrité en lien avec des légumes tombés de son sandwich. Des chutes d’aliments dont il ne s’était pas du tout aperçu avant, assure-t-il.

Jeté au sol comme un simple sandwich

Ramassant les condiments, Samuel Faille explique avoir choisi de quitter pour aller les jeter et s’éloigner de cette situation conflictuelle. Un inspecteur lui exigera son identité, mais il n’aura pas le temps de se retourner pour répondre qu’il sera déjà la proie des deux agents, qui le jetteront au sol. Leur chute correspond au début du vidéo publié par M. Tyrrell. «Là il part, et [l’agent] dit “Toi tu vas où?”, il dit “Moi je m’en vais”, [l’agent] dit “Non”, puis ils l’ont plaqué», corrobore Nicolas Megelas.

Comme en témoigne le vidéo, M. Faille a donné du fil à retordre aux deux inspecteurs, qui ont dû recevoir l’aide de deux collègues. «Oui, j’ai résisté», admet l’individu, conscient que c’était une mauvaise réaction. «Je ne comprenais rien, j’étais sous le choc.» Son de cloche similaire chez Nicolas Megelas, lequel se désole de la résistance montrée mais se garde bien de lancer la pierre à celui qui faisait face aux contentions, comprenant qu’une telle situation peut facilement générer une certaine panique. L’homme derrière Alpha D a d’ailleurs incité à plusieurs reprises M. Faille à se laisser faire, en vain. La scène de lutte s’est déroulée sous les yeux de nombreuses personnes curieuses qui, à part quelques unes, sont demeurées passives et silencieuses, selon le musicien, qui déplore une situation qu’il qualifie sans hésiter d’abus de pouvoir.

La STM n’a pas daigné répondre aux questions de 99%Média, mais a affirmé à TVA Nouvelles que M. Faille aurait frappé un inspecteur et qu’un d’entre eux, au terme de l’arrestation, a été transporté à l’hôpital en raison de blessures à une main et à la tête. Une affirmation mise à mal par les images de la capture vidéo, lesquelles montrent des agents ne semblant pas du tout incommodés dans leur intervention. Les images démontrent aussi que lorsqu’une fois menotté et assis M. Faille a redemandé pourquoi on l’arrêtait, on lui a répondu cacophoniquement en mentionnant l’entrave et le refus de s’identifier, sans aucune référence à un coup ou un autre geste qu’il aurait porté à un inspecteur. M. Faille nie d’ailleurs catégoriquement avoir commis un geste violent envers un de ses rivaux. Sa seule hypothèse est qu’en se retournant il ait pu bousculer légèrement un agent, mais il exclue avoir frappé et avoir eu toute intention de le faire. «Je voulais juste me relever et converser avec les agents, poursuit-il. J’ai même dit “Lâchez-moi, on peut parler!”»

Une détention inutilement agressive?

Questionné sur la durée de sa détention, Samuel Faille n’en revient pas du traitement qu’il a subi derrière les portes métalliques d’une salle où le public ne peut poser le regard. «J’étais couché par terre, ils me tordaient les poignets et m’écrasaient la tête au niveau de l’arrière des oreilles», détaille-t-il. Il évalue la durée de sa détention à environ une heure et demi, période durant laquelle on ne le soulagea pas de ses menottes et au terme de laquelle il affirme que c’est sur une civière d’ambulance qu’il fut relâché pour être transporté à l’hôpital afin de soigner de multiples ecchymoses.

Samuel Faille devra se soumettre ce printemps à une prise d’empreintes digitales en vue d’un procès au cours duquel il devra se défendre contre des accusations de voie de fait et de refus d’identification. Il est pertinent de noter que tout au long de l’intervention, aucune des quatre personnes ayant procédé à l’arrestation n’a révélé son nom ou son numéro de matricule. Comme en témoigne le vidéo de M. Tyrrell, les seuls l’ayant fait sont des inspecteurs qui se sont ajoutés à la scène alors que les quatre premiers et première s’étaient déjà engouffré(e)s dans leur local.

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9 Comments

  1. Ce genre d’attitude explique mieux les raisons qui font que les policiers ont peur des loups solitaires. Ces derniers doivent être éveillés à l’action. L’abus de pouvoir et et de la force ne préparent pas la place aux réponses respectueuses.

  2. Encore des zoufs qui ont raté leur cours à Nicolet et qui se prennent pour des vrais bandits légaux. Bien content que le gouvernement leur coupe les vivres à ces sales puants de lâches qui se feraient tout p’tits tout p’tits devant un attroupement de gang de noirs dans le Métro.

  3. Ces sauvages ne méritent aucun respect. Habillés en bouffons, cachant leur matricule, ils se comportent comme des criminels et des terroristes; ce qu’ils sont d’ailleurs.

  4. Quand un gouvernement ou une autorité va leur donner l’ordre de faire quelque chose d’illégale, ce sont le genre d’abrutis qui vont obéir. Je ne critique pour tous les policiers/policières sur place. On remarquera aussi, sur Youtube, un lot d’autres abrutis pour appuyer le pouvoir abusif.

  5. Non mais!!! On devrais leurs interdire les beignes, trop de sucre çà monte a la tête, bande de lâche!!!!

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